Le nouveau statut juridique de l’entrepreneur individuel

Le nouveau statut juridique de l’entrepreneur individuel

Le nouveau statut juridique de l’entrepreneur individuel 550 240 Strageco

Un patrimoine professionnel distinct du patrimoine personnel

Jusqu’alors, les entrepreneurs individuels, qu’ils soient artisans, commerçants, professionnels libéraux ou agriculteurs, c’est-à-dire ceux qui exercent leur activité professionnelle en nom propre et non pas sous la forme d’une société, disposaient d’un seul et unique patrimoine. Conséquence, en cas de difficultés économiques, leurs biens personnels étaient exposés aux poursuites de leurs créanciers professionnels.

À noter : la résidence principale de l’entrepreneur individuel est toutefois insaisissable par ses créanciers professionnels.

Ce risque important avait conduit les pouvoirs publics à instaurer, il y a maintenant plus de 10 ans, le statut d’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) ; statut qui se caractérise par l’existence d’un patrimoine dit « d’affectation », composé des seuls biens que l’entrepreneur affecte à son activité professionnelle, et qui est séparé de son patrimoine personnel. Mais force est de constater que ce statut, en raison de sa complexité, a été adopté par un nombre très faible d’entrepreneurs (environ 3 %).

Du coup, les pouvoirs publics, dans le cadre d’un vaste « plan indépendants » initié par le président de la République au mois de septembre dernier et visant à améliorer et à simplifier les régimes fiscal, social et juridique auxquels sont soumis les travailleurs indépendants, se sont à nouveau penchés sur la question de la limitation des risques financiers encourus par les entrepreneurs individuels dans le cadre de leur activité professionnelle. Et ce « plan indépendants » a donné lieu à l’adoption d’une loi créant notamment un statut unique et plus protecteur pour l’entrepreneur individuel.

Ainsi, désormais, les entrepreneurs individuels relèveront d’un statut unique qui opère une séparation entre leurs patrimoines personnel et professionnel. Le patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel étant constitué des biens, droits, obligations et sûretés qui sont « utiles » à son activité tandis que son patrimoine personnel sera composé des autres biens. Avantage de ce nouveau statut : seul le patrimoine professionnel de l’entrepreneur pourra être saisi par ses créanciers professionnels, l’ensemble de son patrimoine personnel (et non plus seulement sa résidence principale) étant, quant à lui, à l’abri des poursuites de ces derniers.

Précision : les biens, droits, obligations et sûretés détenus par un entrepreneur individuel, qui sont « utiles » à l’exercice de son activité, sont ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité. Il s’agit donc notamment :
– du fonds de commerce, du fonds artisanal, du fonds agricole, de tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et des droits y afférents et du droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
– des biens meubles comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que des moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
– des biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, des actions ou parts d’une telle société ;
– des biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement des droits de propriété intellectuelle, du nom commercial et de l’enseigne ;
– des fonds de caisse, de toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, des sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, ainsi que des sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

De leur côté, ses créanciers non professionnels ne pourront agir que sur son patrimoine personnel. Toutefois, lorsque le patrimoine personnel se révèlera insuffisant, ils pourront poursuivre l’entrepreneur aussi sur son patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

À noter que les dettes dont un entrepreneur individuel sera redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales (Urssaf, MSA…) seront des dettes considérées comme nées à l’occasion de son activité professionnelle.

Et point important, la séparation des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorisera pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il sera débiteur. Les créanciers professionnels d’un entrepreneur individuel ne pourront donc pas obtenir un cautionnement de sa part. Mais la prise d’une garantie d’une autre forme (nantissement d’une assurance-vie, hypothèque d’un bien immobilier autre que sa résidence principale…) sera possible.

Une séparation automatique

En pratique, la séparation des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel s’opèrera automatiquement, sans formalité à accomplir ni information à donner aux créanciers. La distinction reposera uniquement sur le critère des biens « utiles à l’activité ». Une notion qui pourra d’ailleurs susciter des difficultés s’agissant notamment des biens mixtes, c’est-à-dire ceux utilisés à la fois à des fins professionnelles et personnelles (par exemple, un véhicule). En effet, la question se pose de savoir si ces biens mixtes seront considérés comme faisant partie du patrimoine professionnel de l’intéressé. Des précisions en la matière seront les bienvenues…

Les exceptions au principe de la séparation des patrimoines

Plusieurs exceptions au principe de la séparation des patrimoines sont prévues par la loi.

D’une part, le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (CSG et CRDS), ainsi que de la taxe foncière inhérente aux locaux utiles à l’activité professionnelle, dus par un entrepreneur individuel pourra s’effectuer tant sur son patrimoine professionnel que personnel. De même, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales et sociales, l’administration fiscale et les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales pourront poursuivre l’entrepreneur sur son patrimoine personnel et non pas seulement sur son patrimoine professionnel.

D’autre part, l’entrepreneur individuel pourra renoncer à la séparation des patrimoines en faveur d’un créancier professionnel, en particulier d’un banquier pour obtenir un crédit. Mais attention, cette renonciation ne pourra porter que sur un engagement spécifique, limité dans le temps et à un certain montant Sachant que l’entrepreneur pourra renoncer au bénéfice de cette séparation en faveur d’un créancier professionnel, en particulier d’un banquier pour obtenir un crédit. Mais cette renonciation ne pourra porter que sur un engagement spécifique limité dans le temps et à un certain montant.

Entrée en vigueur

Le nouveau statut d’entrepreneur individuel s’appliquera à compter du 15 mai prochain. Les entreprises individuelles créées à compter de cette date y seront donc pleinement soumises. Quant à celles existant déjà au 15 mai 2022, la séparation des patrimoines professionnel et personnel ne s’appliquera qu’aux créances nouvelles nées à compter de cette date.


Loi n° 2022-172 du 14 février 2022, JO du 15

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